« Ah ! je ne sais pas... », soupire Victoire, chaussant ses lunettes puis les ôtant, agacée. La photo montre un adolescent aux joues creuses et blafardes, la boule à zéro, la face percée de tant d'anneaux qu'on ne songerait pas à les compter, et avec ça un regard noir, obtus, impénétrable — un air de fenêtre condamnée. « Je ne sais plus. Ça y ressemble... et en même temps, non. » Quelque chose dans le bas du visage ne colle pas, cette bouche au pli amer, mauvais, quand le garçon qu'elle garde en mémoire (mais à vrai dire, à tant scruter la photo, son souvenir se trouble, les visages se superposent et se combattent l'un l'autre), ce boumian avait des moues d'enfant et un large sourire...
Nadia hausse les épaules, vide son verre.
À peine sortie de prison, Nadia est descendue dans le Var, à Vaucaire, chercher le fils qu'on lui a retiré quinze ans plus tôt. A pied ou en stop, elle court les routes de la côte et les collines de l'arrière-pays. Elle interroge tous ceux qu'elle croise, en vain. Les esprits de Vaucaire sont occupés à autre chose : la disparition du poète local qu’on retrouvera assassiné. Les soupçons se portent sur Marco, ce jeune gitan qui vit seul dans les collines.
Hymne à la beauté sauvage de la nature provençale, Soleil noir est construit telle une mosaïque dont les faces égarées entre bien et mal, violence et soif d’amour, incarnent chacune une parcelle d’humanité.