"J’ignorais, alors, comment les cousins Vitti nous voyaient en retour. Leur mépris égalait-il le nôtre ? Que voyaient-ils de nous : une trinité de snobards parisiens, frimeurs et sans vraiment le sou ? Sans doute vivaient-ils plus à l’aise, plus raisonnablement que nous, dans leur bon gros bourg apathique, en route vers la propriété, eux, tandis que nous, on continuait de louer ce petit meublé sous les toits, à la porte de Montrouge ? On arrivait dans la dernière DS métallisée or ou argent. Le monde de Rueil, voisins et collègues d’usine, n’avait d’yeux et de mots que pour la DS. Le play-boy s’amusait, se laissait draguer par les femmes et les hommes.
Nush et moi, on reculait dans le lointain. Déjà, aimer se chuchotait. Déjà, souffrir s’étouffait."
Nous sommes dans les années soixante-dix. Will, le narrateur, va souvent en week-end à la campagne chez les cousins Vitti, avec ses parents Nush et le play-boy. Les cousins sont ouvriers d’une cristallerie, se tuent à la tâche et passent leurs congés à bâtir eux-mêmes leur maison. Un samedi de juin, on fête les noces du fils aîné des Vitti. Will, quatorze ans, y rencontre Roxane, dix-neuf ans, qui fait son initiation sexuelle. Rien que de très normal, en somme.
Sept ans plus tard, un samedi de juillet, on marie l’autre fils Vitti mais tout a changé : le play-boy et Nush ont divorcé, la cristallerie licencie à tout va et jamais les cousins, chômeurs, n’auront l’argent pour finir leur maison. Will préfère désormais les bras des garçons à ceux des filles.